Carnets / Saint-Louis
Saint-Louis
Du jeudi 20 au samedi 22 novembre
Quelques jours au bord de la mer
L’hydrobase de Saint-Louis… Les palmiers, la case, le sable blanc…réveil tranquille. Jean, Jacob, Noémie. Nous nous reposons du voyage, du stesse de Mo, des secouses du camion. Nous logeons chez Mossoër Diop en face du bar « Popayer ». La plage à 50 mètres, cases bien tenu avec ventilateur, moustiquaire, porte qui ferme. Nous nous prenons pour des rois, cela ressemble presque à du luxe. Se baigner sans habits dans les vagues avec Noémie et Jean… Manger du poisson griller, fumer toute la nuit, rigoler à ne plus savoir pourquoi, seulement être bien, être ensemble, être fort… Ce petit paradis.
Jeudi
Nous allons à Saint-Louis, trainer dans la ville, faire une pause de toute l’après-midi pour manger un sandwich, boire un thé…et rentrer en ayant passer une bonne journée. Mais il n’y a jamais de paradis sans enfer, il fallait bien une ombre dans toute cette lumière…et elle s’appelle Mo. Mes affaires ne sortent de son camion que pour mieux oublier sa face jaune fiévreuse d’homme tourmenté. Mes paroles ne peuvent que s’enflammer à son contact, le ton monte poussé pour une haine récipropre. Alors j’évite de parler, j’évite d’écouter; je l’évite tout court et j’attend le retour. Car Mo est bloqué aux douanes avec son quarantes tonnes, malédiction qu’il porte seul, malédiction qui le brûle de l’intérieur. Il a peur de se faire voler, il a peur, il attend…seul avec son angoise. Car nous l’avons laissé où il nous a abandonné, où il n’a pas partagé. Le jour de l’arrivée, nous laissant dans la rue, en pleine nuit, lui bien au chaud dans son lit… Alors on repart, on le laisse pour une nouvelle nuit solitaire. Nous…On retourne à l’Hydrobase. On discute de tout, de rien. On mange à notre faim et l’on rigole. On se sent bien.
Vendredi
Ce matin, Jacob est repartis pour la Mauritanie. Son contrat avec Mo l’a amené beaucoup plus loin que prévu…il doit retourné travailler à Nouadibou. J’espère bien le revoir…Icha allah. Nous nous retrouvons à trois. Nous avons perdu un des copains. Alors nous allons à la plage, nous jouons dans le sable. Faire un grand et beau chateau de sable, avec des tunnels interdit, des tours imprenables et des murailles comme des racines formant un labyrinte infernale… Et rester des heures en plein soleil, comme un enfant sans parents… sans chapeau, sans lunettes et sans crème. S’oubliant dans le sable, rêvant d’un autre temps, d’un autre lieu… Et se réveiller trop tard, quand tout est rouge, quand c’est bien cuit et même brûler. Alors se jetter dans l’eau pour tout faire disparaitre, mais ça marche pas. Alors je m’assoie à l’ombre avec les copains, avec les babiolles que les vendeurs déversent ; les statuettes, les colliers, les tissus… Puis on mange avec Black qui tient des cases donnant directement sur la plage. Et l’on rentre au mimi-village de Diop. Je donne une leçon d’espagnole à Jean… Sa rencontre avec Noémie lui donne une bonne motivation. Ils vont se coucher dans leur case, je reste à trainer, fumer une cigarette…
Samedi
Dans cette harmonie à trois, il fallait bien un problème. Et il vient souvent sans prévenir… Nous partons vers le centre, la matinée avait été bonne, méditation, yoga et baignade. Nous étions de bonne humeur en traversant le marché aux poissons, étallé le long du fleuve Sénégal. Nous étions plein d’énergie pour trouver un cyber, pour donner un peu de nos nouvelles. Mais voilà Mo qui débarque, qui m’accuse de mentir, de ne pas tenir mes promesses, de ceci de cela… Je tente d’appliquer un des principes Toltek : « Ne pas prendre pour personnel les reproches d’autrui ». Et le voila qui menace Noémie…qu’elle n’est plus dans le projet et qu’elle se croit en vacances, et patati et patata. Noémie se propose de dormir avec lui dans le camion…c’est le choc pour Jean et moi. On se fait abandonner, la copine veut partir. Je sens que le vent est en train de tourner. Je prend la décision de partir demain pour Dakar. Mais pour ce soir, Noémie doit rester avec nous. Nous discutons avec elle. Nous reprenons un taxi, nous repassons devant le marché qui commence à ranger, nous retrouvons nos cases… Nous sommes fatigués, vidés, soulagés et heureux…être encore tous les trois réunis. L’aventure au centre m’a tué, un ressort s’est brissé dans mon coeur, tout mes projets se sont écroulés. Demain, Jean et Noémie quitte l’hydrobase ; moi je pars à Dakar. Je n’arrive pas à comprendre ce qui s’est passé. Nous profitons de cette dernière soirée. Nous fumons ce qui nous reste, nous nous écroulons de fatigue, le sourire au lèvre. Demain, je reprend ma route, mon projet. Je quitte mes amis. Je quitte ce paradis. Et je ne sais pas exactement pourquoi !