Carnets / Madrid-Granada
Granada : quatrième semaine
Du lundi 29 septembre au dimanche 5 octobre
Lundi 29 septembre… Réveil à 8h. J’accompagne Marion au cour d’anthropologie sociale. Je suis existé à l’idée de retourner à la fac… Je me fait chier pendant 1h30, je m’endors. La prof est nul, pas de méthode, pas de passion. J’en ressort épuisé. Je laisse l’université de côté pour le moment. Je préfère la bibliothèque, les livres, la littérature. Piocher au hasard, lignes de fuite des livres, me construise au fur à mesure. La littérature russe, les classiques français, la poésie, les romans contemporains, les… Mes connaissances sont parcellaires, j’essaie de redonner une vie au connaissance, ne plus discèquer, classifier…Ne plus imaginer sur les mots mais sur la vie… Sortir des théories dont l’objet est mort en s’éloignant du sujet, dépossession des mouvements humains au service de la règle, de la catégorie… Les écoles sont des cimetières où l’on tente d’enseigner la vie.
Mardi 30 septembre… Réveil. Direction mon espace d’entrainement, comme tout les matins de 11h à 12h… ça c’est l’idée, le programme, la contrainte que je me donne pour avancer dans le flamenco. Pour que la technique entre rapidement en moi. Pour découvrir la danse, son rythme, sa passion, sa force. Et je mis tiens plus que moins. Ce matin, c’est fantastique. Je me sens bien. Mon corps respire de la tête au pied. Ma peau est investit, mon volume est dessiné. Mon esprit n’accroche rien. Je glisse sur la vie. Après une heure d’entrainement, je passe à la bibliothèque… Puis je mange, lecture et thé… La classe de flamenco arrive… Mes sensations sont meilleur. Je resors vers 20h. Je retrouve Marion, nous sortons, retrouvons Francesco et passons à mon squat. Petite nostalgie, voilà une semaine que je l’ai quitté. Fierté d’avoir vécu ici. Je commence à être prêt. Me sentir à l’aise avec le minimum. Ne plus avoir peur de laisser la porte ouverte. Ne plus avoir peur de l’assassin surprise des jouirnaux et des films. Ne plus craintre, affronter, toucher la matière de la vie. Tracer son sillon dans la géographie obscure de mon imaginaire. Sentir les frontières des mots. Leur manque d’objectivité. Leurs lourdeurs. Leurs préjugés. Histoire porter par les mots, matières vivantes qui se transforment, évoluent et se fixent.
Mercredi 1 octobre… Je vous laisse devinez ? Maintenant les morceaux de mon nouveau quotidien sont posés. Ma vie est rythmée. Je grimpe une échelle vers le flamenco. Petit à petit, investisant la musique et les rythmes. Mon oreille s’éguise. Après la pratique, repas avec Marion, thé et lecture. Je déguste les dernières lignes de « L’éducation sentimentale ». Ce saut fabuleux, ce vide absolue, ces 30 ans en 10 pages. Frédéric, la cinquantaine passée, regardant sa jeunesse. Constat d’une vie troublée. Magnifique mise en abyme. Le livre se referme. Pincement au coeur. Nostalgie d’enfance. Les amours d’été, les passions d’un jour. Je sors au balcon, respiré la vie. Les traits se dessinent sous un autre jour. Repos de l’esprit. Fraicheur de la vie.
Puis vient l’heure de la classe, dans la cueva de Pressy. Vers 20h, je reviens à l’apartement de Marion. On s’achète un falafel, direction un bar salsa. Ce soir, on danse cubain. On retrouve Francesco Plaza Nueva et on y va. On arrive à 22h comme marqué sur l’annonce : Cour de salsa gratuit de 22h à 23h. Logique…le bar est fermé. Petite attente. Le tapis rouge, les plantes et le cordon de sécurité sont sortit dans la rue, fausse apparence VIP. Rencontre avec un prof de salsa qui a fabriqué un mosolé-bar…des photos de lui, avec lui en peinture, avec lui ici et par là-bas. Vous m’avez reconnus ? C’est moi. Sa partenaire est au bar, on ne l’entend pas. Le cour commence à 22h30. C’est rigolo, ambiance un peu macho mais sympathique. Le cour finit à 23h. Je danse avec Marion qui porte des chaussures à tallon avec une élégance certaine. Elle se débrouille bien. J’essaie de sauver les apparences mais j’ai encore beaucoup à apprendre.
Jeudi 2 octobre… El Teatro Alhambra. Premier théâtre me redonnant des réminiscences de Bruxelles. Bonne programmation, un designe type théâtre nationale, centre chorégraphique. Je redécouvre ma passion des spectacles. Nostalgie de ma boulimie passée. Plus de 60 spectacles l’année dernière. A en dormir, à en bailler, à en louper. Je décide d’aller voir deux spectacles : « Other Side » de Fernando Hernando pour demain avec Marion et « (Not)a love song » de Alain Buffard pour le 29 octobre.
Vendredi 3 octobre… Je commence « La pensée Straight » de Monique Wittig. Marion me l’a prêter. Elle lit « Le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir. Changement avec Flaubert. Idées sur les lesbiennes, critique de la classification sexuelle imposé par un système hétérosexuel dominé par l’homme. Les enfants sont vus comme une production de la femme, que la société exploite et utilise pour justifier le système hétérosexuel. Refus de la notion de nature, tout est culturel. Notre réalité pour interroger un problème contemporain est l’histoire depuis 5000 ans. Nous étions déjà dans une structure sociétale. Nos visions sur la nature, la vie, la mort, Dieu, les sexes, les pouvoirs,…sont issus de cette héritage. Nous ne pouvons pas parler de la condition naturelle de l’Homme en prenant les animaux en comparaison. Enfin voilà, en gros se que j’ai retenue de sa vision féministe utopiste.
Je vais en classe de Flamenco. Aujourd’hui, c’est décidé je demande à Pressy de passer dans la classe supérieur. J’ai besion d’apprendre plus. Je dois me mettre en risque. Elle accepte. Je suis soulagé. Je commence mardi prochain. L’enseignement s’accélère.
Je reviens rapidement chez Marion. Ce soir, on sort au théâtre. Représentation de « Other Side » de Fernando Hernando. Les rideaux s’ouvrent.Scénographie super kitch avec un lit et deux roses géantes.Adam tombe du ciel. La rose représente une sorte d’haricot magique montant au Paradis ou au Jardin d’Eden. Je ne sais pas trop. Et devinez qui joue Adam ? Et oui, Fernando le chorégraphe…ça commence mal. Quatres danseuse l’accompagnent. Organisation en tableau, la sympolique me crispe. Les sous-entendus religieux, conservateur et hétérosexuels me tracassent. Je n’adhère pas au language. Le théâtre n’est pas plein. La scène rame à contre-courant sans accrocher la salle…enfin c’est mon avis. Petitesses des mouvements. Ils gigotent à la recherche d’une densitée. Message petit, effet maxi. Toute la panoplie du chorégraphe début est là…du rock, les jeux de lumières, la neige qui tombe du ciel, les lettres néons pour écrire « Other Side » à la fin, des panneaux roulant avec lumière cabaret… Un petit combat d’épée, des plaintes au ciel, des accélérations qui retombent aussi vite qu’elles sont venues. Rien ne me touche. Impression d’observer la domination hétérosexuelle sur scène. Monique Wittig au fond de l’esprit, je ne voyage pas, je lutte, je refuse, je critique, je m’énerve, je me moque. Je n’applaudis pas. Nous sortons révolté contre la symbolique dégradante donner aux femmes. Nous retournons à l’appartement. Nous mangeons… Nous sortons en ballade.
Les rues sont calmes. La lumière orangée éclaire les ruelles pavées de Albaycin. Nous nous arrêtons sur un banc pour observer la ville depuis le Mirador. En continuant la ballade, de la misique se faufille jusqu’à nos oreilles. Nous la suivons. Une place, un concert. On s’arrête boire une bière. Peu à peu, on se met à danser, la musique nous entraine. Nous rigolons avec deux espagnols. Gou et Xuti reviennent du Maroc où ils ont voyagé 3 semaines. Ils font une pause à Granada jusqu’à dimanche. Je leur propose de dormir dans mon squat. Nous montons le mur. Ils paussent leur sac. On fait un tour de la maison. Sensation bizarre, des portes sont ouvertes, des objets déplacés. Je ne dis rien…ça ne sert à rien de faire peur aux gens. Nous partons tous les quatres pour Eshavira. Soirée sympa. On sde donne rendez-vous le lendemain à la même place pour un concert flamenco. Nous leurs souhaitons bonne nuit.
Samedi 4 octobre… Le calme de l’appartement de Marion. La cuisine, le salon, la terrasse, la salle de bain, nos chambres…beaucoup de temps à lire sur le canapé avec une tasse de thé. Les repas partagé, à discuter, à blaguer. Les différentes sauces accompagnant le riz ou les pates…les feuilles de briques…mes spécialités improvisées. J’aime cette appartement. Je m’y sens bien. Et demain, je dois partir. La maman de Marion vient passer des vacances à Granada. Mais ne vous inquiétez pas, je sais où je vais…Aujourd’hui encore, les plaisir de la vie quotidienne se repète. Nous mangeons, nous lisons, nous dormons… Nous sortons tard de l’appartement. Nous arrivons à la fin du concert de flamenco. Je profite du rappel où Pressy danse. C’est rigolo de la voir danser. Elle a un style particulier, beaucoup en force avec de la tension dans les épaules. Nous retrouvons Gou et Xuti. Ils nous racontons leur nuit. Réveil à l’aurore par le propriétaire qui leur demande de partir. Ils expliquent leur situation… » De toute façon les travaux commencent dans une semaine ! » La faute a pas de chance. Bref ils sont là avec leur sac. Francesco et Vesu sont là aussi, ils ont trouvé un petit chat malade dans la rue. Ils rentrent tôt pour le rechauffer. Nous restons à danser. Nous allons à Eshavira. Marion leurs propose de les accueillir. Ils nous suivent. Nous mangeons. Matelats installés, repos bien mérité.
Dimanche 5 octobre… Réveil flottant sur l’oreillet. Difficulté à décoller. Petit déjeuner… les amis nous quittent. Je finis Monique Wittig. Je regarde un film. Je finis mon sac. Le remettre sur le dos, impression de long départ. Quitter un lieu me rend nostalgique. Souvenirs des mouvements, des circuits quotidiens, attachements aux mûrs. Ils sont pleins d’histoires à qui sait les entendre… Arriver dans la rue. Une nouvelle étape s’ouvre. Nouvelle appartement. Chez Francesco et Vesu.