Carnets / Madrid-Granada
Granada : cinquième semaine
Du dimanche 5 au dimanche 12 octobre
Dimanche… Arriver à l’appartement de Francesco et Vesu, le chat se meurt. Il grelote, ne bouge plus, semble dormir profondement… On croit au sommeil, on veut y croire… Demain, il va se réveiller. Il ne respire plus… Son coeur bat au ralentit… Il faut le sauver. On court dans les rues. Francesco trouve un vétérinaire qui sort une seringue… le venin agit. Le chat et la mort…une vie disparait.
Je ne vois pas ça…la vie continue à Eshavira. Concert flamenco. Une table et un homme. Je m’assoie. Il me connait, je le reconnais. Zevik…guitariste venant d’Israël. Rencontré il y a quelques jours dans une ballade nocturne avec Marion. Le concert commence. Emilio Maya à la guitare. Je n’ai retenu que ça. Rendez-vous le lendemain avec Zevik pour jouer dans la rue. Je rentre.
Silence dans l’appartement. Je vais me coucher sans un bruit.
Lundi… Vers 12h. Retrouve Zevik sur la Plaza Nueva. Nous partons à la recherche d’un espace. Suis Zevik qui joue souvent dans la rue. Mais avec un danseur, c’est pas la même… Il faut plus d’espace. On joue moins longtemps. On est plus percutif. On peut faire les terrasses. Direction Plaza Bibalhambra. Il sort sa guitare. J’enfille mes chaussures. On joue 20 minutes. Je passe la guitare. Cinq euros chacun, ça peut marcher comme ça. Partons à la recherche d’une autre place avec terrasse touristique. On galère un peu. Le top se trouve autour de la Cathédrale. La Plaza Bibalhambra est pas mal du tout. Pour les spectacles de rues, c’est Plaza Nueva le week-end après-midi. Mais là il faut un spectacle construit pour accrocher le public. Nous, on travail à l’impro. Il joue flamenco-jazz… Je danse contemporain-flamenco… ça marche ou ça marche pas, ça dépend de l’écoute. J’avoue que je n’écoute pas encore assez. Je ne m’appui pas sur la musique. Donc je fatigue. Je m’épuise tout seul. Oreille à travailler.
Fin d’après-midi. Vers 17h. Retrouvons Tomomi. Je l’ai appelé pour qu’elle m’enseigne la Farruca de la classe de 18h-19h. Entraide des élèves de la classe. Tomomi est particulièrement sympathique. Je tente de mémoriser rapidement les enchainements qu’elle me montre. Amélioration de la mémoire corporelle. Je l’invite au bar pour la remercier de cette heure consacrée.
Je fonce dans les rues, courant à perdre à l’aine, je me perd dans un raccourci, je ressors la tête de l’eau, j’arrive au cinéma. La porte se ferme. La scéance commence. « Heya Fawda? » de Youssef Chahine et Jaled Youssef. Film égyptien. Je dirais mignon… Je resors de la filmoteca de Granada. Dans la bibliotèque de Granada, des scéances gratuit de cinéma, à 18h et 21h, tous les jours de la semaine. Et la programmation est top. J’ai trouvé une mine d’or. Une boulimie de ciné se dessine à l’horizon.
Mardi… Je me réveil. Un homme dans le salon. Mais comment il est arrivé là celui-là ? En faite, il vient de Tchèque République. Il voyage sans un sous, se balladant en Europe. Il arrive en Espagne voilà bien quatre mois. Cherchant un travail, il se retrouve dans une fête forraine. Petit salaire sympathique de 1 euro de l’heure pour nettoyer un stand, le faire fonctionner et le surveiller la nuit. On le payera à la fin du mois. Le voilà donc depuis 2 semaines dans cette fêtes forraine. Encore loin de Granada. Francesco se balladant vendredi dernier, rencontre un monseigneur lui proposant un travail. Francesco tout ouïe accepte avec joie. Se retrouve dans une fête forraine. Rencontre un Tchèque qu’il prend de pitié. Tente de le sortir de son triste sort. Le ramène chez lui. Donc voilà, c’est George. Il a la bouille sympa, le front haut, les cheveux frissés.
Je retrouve Zévik. On commence à se connaitre un peu mieux. Un truc basique : un début-une fin…ça paraît con mais en improvisation c’est plus compliqué. Il faut connaitre le style, la reactivité de son partenaire. Je dois comprendre la musicalité du flamenco, les appuis rythmiques qui structurent la composition chorégraphique. Le vocabulaire commun, nous ne l’avons pas encore.
J’arrive à Sacramonte. Attention, je passe dans la deuxième classe. Moment important pour mon honneur, passer à l’étape supérieur. Je connais déja la « Farruca » grâce à Tomomi, donc ça va. Je réalise les mouvements avec le groupe mais mon corps n’est pas investit. Je n’ai pas de passion. Je navigue dans un corps étranger. Imposé par un être extérieur, la chorégraphe. Domination du corps pour le découvrir… Libération du corps pour découvrir. J’adhère à la seconde. Mais en passant par la première, j’apprend le vocabulaire de référence que les humains pourront classer comme étant du Flamenco. Et plus loin encore, une « Farruca », un « Tango », une « Allégria », une « Bouleria »… Je ne peux trouver ça en négligeant l’histoire des ancestres. Je dois me soumettre à la force du passé. C’est lui qui doit me contraindre pas une personne. La notion de contrainte c’est une question d’adaptation. Les militaires l’ont poussée très haut.
Allons au lit.
Mercredi… Bonjour George. Tu fais quoi ? George. Tu construis des cendriers ? George.
Je me moque c’est mal. Bref, je suis sur le canapé en train de boire du thé. George est à côté avec une pile de cannette. Il compte vendre des cendriers en cannette dans la rue. Pourquoi pas ?
Je vais m’entrainer. Toujours à l’espace tagué, prêt de la bibliothèque. J’ai l’impression que vous l’aviez oubliée cette contrainte journalière. Et bah moi aussi ! Depuis vendredi, je pense à la nouvelle classe de flamenco, à la rue. Je travail la danse avec Zevik. Je ne peux plus faire les deux. Je travail moins la technique. La technique est froide et perfectionniste. Désincarner. Existant en dehors de l’humain. Ce sont des règles… que l’on peut changer, faire muter. La danse de l’escargot ne sera jamais donner comme exemple de danse…nous aimons trop les lions, les taureaux, les humains, les rois, les grandes émotions…Je le comprend tout à fait d’ailleur.
On passe dans la rue. On vient de finir la Plaza Bibalhambra. On voit George et son stand de cendrier…ça claque ! Alors George ça vend ?
J’adore danser dans une rue longeant les mûrs da la Cathédrale, à coté du restaurant « Gran Via ». L’atmosphère est tendre, calme, reposée. Le rythme de l’espace se ralentit. Plus proche d’une scène de théâtre, on sens une énergie nouvelle, plus de liberté. Sortir des carquans de la rue, de son rythme accéléré, de sa grossièreté. J’aime à danser ici. On ne gagne rien mais on est heureux. Aujourd’hui, 10 euros chacun en 2h, on vit bien. Et ça va en s’améliorant. Alors George t’en a vendu ?
Classe avec la Pressy. Je commence à sentir l’intérêt de la classe… je peux la faire bouger dehors. J’ai comme une haine des écoles depuis que Lassad m’a viré de son école de théâtre. J’en garde un goût amer qui se transforme en remise en cause de la notion d’enseignement. Comment apprendre sans accepter l’autorité d’un maitre ? J’accepte bien Pressy. Je suis sage, attentif, discipliné, un vrai petit ange…mais dehors, je détruis la structure pour garder l’essence, la marque dans mon corps. Les possibilités sont infinies. La question est donc la créativité. La necessité de créer personnellement sans autres obligations que mes propres rêves. Les espaces d’enseignement s’aggrandissent. Marcher devient cour d’architecture, de sculptures… Le marché, cour de langue…Café de la culture.
Jeudi… Jour particulier après toute ces réflexions. Temps calme. Me recentrer. Oublier tout ces mots. Plonger dans un livre. Autres organisations des mots. « El arte del baille Flamenco » de Puig Claramut Arfonso, apprenti écrivain sur le flamenco. Il me touche par sa critique froide des postiches de flamenco qui pullulent dans les Tablas des villes espagnoles. Perte des traditions, de la qualité. Soupe flamenco que l’on verse aux touristes avec du Chorizo. L’âme du flamenco est en danger. Ecrit en 1975 je crois. Il y a de l’eau qui est passée sous les ponts. Mais je m’interrroge. Suis-je en train de faire un blasphème en pillant le flamenco, en niant les traditions. Je ne me suis jamais déclarer danseur flamenco…en même temps.
Je descend un étage pour voir un film de Sam Peckinpah « La ballade de Cable Hogue » 1970. Un petit western en ce jeudi fin d’après-midi, je m’installe dans mon fauteil satisfait. Un homme, un cheval, le dessert et une gourde d’eau. On lui tire dessus. Deux hommes le braquent. Lui vole le cheval et l’eau. Le laisse avec le dessert. Longue marche luttant contre la soif, avant-goût de la mort. Il va mourrir. Il est foutu. Non, ça fait 10 minutes que le film a commencé. Alors il trouve de l’eau. Il monte une affaire. Sa devient une station restauration dans le dessert. La dessus, un mystique chrétien, une prostitué aimante, une voiture et une fin en queue de poisson. C’est parfait.
J’enchaine avec un spectacle flamenco au « Café au lait », retaurant type pour touriste. Par un heureux hasard, je peux regarder le spectacle sans manger et sans payer. « El arte del baille flamenco » me revient en tête. Je ne suis pas touché par la danse. Peut-être que de ne pas manger rend le spectacle moins savoureux. Peut-être que de ma place, je ne sens pas la musique. Rencontre avec la danseuse. elle est bretonne, elle a appri à danser à Sacramonte. Beaucoup d’étranger viennent ici pour apprendre la guitare et la danse flamenco.
Vendredi… Salut George. Alors les cendriers ? T’as arrêté. Bon. Et ça va ? Francesco me previent que c’est son anniversaire.
Je pars sur internet. Regarder des vidéos de flamenco. Besion de reprendre de l’énergie pour la création dans la rue. Je sens que je m’épuise. Je n’y vais plus avec plaisir. C’est devenu un boulot, ça me fatigue. Regardons un peu la télévision pour oublier notre triste vie. Je sélectionne des vidéos de Camaron, Antonio Gades, Paco De Lucia. C’est Manuel de Madrid qui m’avait un peu enseigné. En faite, je crois que je ne comprend encore rien au flamenco. Tous les styles, les rytmes, je ne l’ai connais qu’en théorie. Je dois apprendre plus.
Je reviens le midi pour manger. La table est dressée. Repas surprise pour l’anniversaire de George. On l’attend une heure et on mange sans lui. Super bon ! On garde le gateau pour le soir.
Je vais en classe. Je commence à 18h, je finis à 20h. Je préfère, j’ai l’impression d’avancer. Les cours deviennent plus constructifs. Je suis sortis de la phase technique. Je rentre vraiment dans la danse. C’est passionnant. L’enseignement m’aide à ouvrir ma comprehension. C’est une porte amenant une nouvelle vision de vie. Une meilleur écoute. Mais ça viendra tout doucement.
Fin de cour. Cinéma. « Wonderfull town » film thailandais de Aditya Assarat. Fantastique. Calme. Précis. Travail sur les plans et la photo impéccable du début à la fin. Succession de tableaux. Douceur de l’écriture. Fil rouge. Fin violente. Dernier plan : deux fillettes en tûtu se courent après. Magnifique.
Quand je rentre, George est là. On sort le gateau. Il aura eu son anniversaire malgré tout. il me fait de la peine cette homme. Il est d’un tempérament à accepter toutes les épreuves sans s’inquiéter mais sans bouger. Subir sans vivre sa vie. Ses rêves sont partit au large, il les a perdu de vue, les a oublier. Sans énergie pour sa recherche, il traverse la vie…placide.
Samedi… Je me suis remit à écrire. Aujourd’ui, j’écris mes débuts difficiles sur Granada. Devant l’ordinateur je galère un peu. Marion passe par là. Sa maman est repartit en Bretagne. on va boire un pot. Semaine touristique. Visite de l’Alhambra, des Palais, les églises, la Cathédrale, les monastères, la cité des sciences… Tout ce qu’une personne peut, en queques jours, découvrir de Granada. Sa mère était anthousiaste. Retrouver son espagnole de jeunesse. Petits repas en tête à tête… ça me fait plaisir de revoir Marion. Il fait chaud, la féria médiéval a installé ces stands depuis 2 jours. Nous allons nous ballader. Découverte des pains aux maïs, des énormes jambon, des fromages, des gâteaux, des sucreries… et plein d’autres trucs de foire, comme les tables portent jambon, les habits médiévaux, les cailloux vivants, les matcrâmés… C’est sympa. On retrouve Zevik. Je danse vaguement. Je suis un peu grever, ça marche pas terrible. Autant arrêter. On passe voir une amie qui a un stand de bijoux artisanaux. On se remotive, on joue à coté du stand. On sympathise avec les autres vendeurs. On nous offre du gateau. On boit un mojito. Et en avant la soirée !
Dimanche… Réveil avec Marion. On se prépare tranquillement. J’ai rendez-vous avec Zevik au stand à 13h. On sort. On va au stand. L’amie de Zevik : « Il t’a attendu 1 heure et il est rentré chez lui. »
Mais il est 13h 20. « Non, 14h20 ». Bon, je l’appel. Je lui présente mes excuses. Il les accepte, je sens que sa motivation était faible aussi
Nous partons nous ballader vers les montagnes. Un chemin longuant une forêt. Nous montons, arrivant sur un flan de montagnes…des grottes accueillent quelques hippies ou autonomes… Le chemin se complique, se grippe sec. On y va avec les mains. Arriver sur un chemin de randonnée. Prendre le temps d’observer le paysage, les montagnes, les habitations se faisant toutes petites. Avec mon short à la Tintin, mes lunettes et mon bandeau dans les cheveux…j’ai la classe. J’aime retrouver les sensations des randonnées avec mon papa dans les Alpes, quand je courrais jusqu’à un glacier, pour être le premier à la voir, et revenir prévenir tout le monde comme si je l’avais découvert. Nous nous installons sur un banc en pierre. j’ouvre un livre. Je change d’univers. « Amour, Proxac et autres curiosités… » écriture dur et efficace. Histoire croisée de 3 soeurs vivant dans les années 90 à Madrid. Drogue, sexe, mariage et féminisme….J’accroche à fond. Ca fait plaisir de sortir du romantisme latent des classique français du 19ème siècles.
Retour de randonnée par l’Alhambra. On passe voir une exposition d’Art Contemporain. Pas mal du tout. Je n’étais pas très concentré, alors pour les références… Mais cette salle numérique type centre de contrôle avec les images qui se balladent en 3D dans la pièce ! ça claque au début et ça explose après dans la mémoire. Vision de la mémoire visuel du cerveau. La quantité d’image qui flottent en nous. La quantité d’image truquée, faussée, manipulée constituant notre réalité. La télévision, la publicité, le cinémanous envoient une perception du monde qui stagne en nous.
Nous allons boire une bière. On rentre. Marion est fatigué. Je sors sans elle, je retrouve Sarah à Eshavira. Concert de la Famiglia Mabichuela. J’accroche déjà plus. Le chant me touche plus. La chanteuse dégage plus de passion, plus de force,d’énergie. Elle vit son chant. La musique est ouverte aux influences jazz. Je rentre après le concert. Marion dort.